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La roue arrière droite surplombait déjà le vide quand, d’un coup de volant désespéré, Ramesh réussit à ramener le Swaraj-Mazda sur la route. Le 4x4 partit dans une impressionnante glissade à l’issue de laquelle il heurta brutalement la paroi rocheuse. Il resta en moment en équilibre avant de retomber sur ses quatre roues et de caler.

Les phares de l’autre véhicule déversaient leur lumière menaçante dans l’habitacle. Fred se redressa et se retourna vers Mark. Une énorme bosse commençait à lui déformer l’arcade sourcilière.

« Be careful ! », hurla Ramesh.

Il démarra, embraya, accéléra. Le 4x4 trembla de toute sa carcasse, patina, s’arracha enfin de la boue dans un formidable rugissement. Presque aussitôt, une rafale de fusil d’assaut pulvérisa la vitre arrière, obligeant Ramesh et Fred à baisser la tête. Un nouvel écart, et le Swaraj-Mazda racla la bordure de roche dans un grincement assourdissant. Le pare-brise explosa à son tour, une pluie d’éclats dégringola sur le tableau de bord.

Imperturbable, Ramesh accéléra, et le 4x4 attaqua en ululant une série de lacets. Les phares de son poursuivant cessèrent de briller dans ses deux rétroviseurs intacts. Mark se releva. Il se sentait baigné d’un grand calme, comme à chaque fois que sa vie était en jeu. Saisi par le courant d’air frais qui balayait l’habitacle, il lança un regard par la vitre arrière béante et scruta l’obscurité pendant quelques secondes.

« Je ne les vois plus », cria-t-il.

Fred se tenait le front tout en lançant des coups d’œil affolés par-dessus son épaule. Le désordre de ses cheveux giflés par le vent contrastait avec la fixité cadavérique de ses traits. Concentré sur la conduite, Ramesh n’utilisait pratiquement plus la pédale de frein, esquivant au dernier moment les éboulis, corrigeant les dérapages par des coups de volant aussi vigoureux que précis. La route s’élargissait au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du sommet du col. Elle se bordait par endroits de hautes digues de pierres sèches destinées à enrayer les glissements de terrain. Les nids de poule avaient été comblés avec des pavés, et des parapets métalliques, souvent défoncés, longeaient les lacets les plus dangereux.

Avec le haut de son sari, Indrani essuya les gouttes de sang qui perlaient d’une coupure à sa tempe et rajusta son choli dont quelques boutons s’étaient dégrafés.

« Juste une égratignure, dit-elle en captant le regard interrogateur de Mark.

— Personne ne s’inquiète de mon sort ? grogna Fred. Je vous signale que j’ai le crâne à moitié bousillé et que je ne vois plus rien d’un œil !

— Une tête de Cailloux, c’est solide, en principe.

— L’humour de Sidzik, c’est innommable ! »

La puanteur de gasoil et d’huile s’estompait devant les odeurs de résine. Les suspensions fatiguées gémissaient à chaque virage, à chaque aspérité. Les yeux plissés de Ramesh valaient sans cesse de la route au rétroviseur.

«Je me demande comment ils ont pu nous localiser », murmura Indrani en épongeant de nouveau sa blessure.

Les taches de sang s’épanouissaient comme des motifs de batik sur la soie de son sari.

« Ils, ce sont vos Intouchables ? demanda Fred.

— Qui voulez-vous que ce soit d’autre ? Des promeneurs pris d’une envie subite de nous pousser dans un ravin ? »

Ramesh désigna le rétroviseur d’un mouvement de menton et glapit quelques mots en kannada. Mark et Indrani se retournèrent. L’œil étincelant d’un phare brillait par intermittences entre les lacets et les bosquets. Pendant quelques minutes, le Swaraj-Mazda sembla maintenir la distance avec ses poursuivants, mais l’illusion générée par la succession de courbes et de dénivellations s’évanouit à la première ligne droite. Ramesh eut beau rétrograder, écraser la pédale d’accélérateur, l’autre véhicule, plus puissant, fondit sur le 4x4 à la vitesse d’un oiseau de proie. Le pinceau mouvant de son phare miroitait sur le bitume inégal et humide, transperçait les étoupes nuageuses qui calfeutraient les reliefs.

« On n’est pas sortis de l’auberge ! » beugla Fred.

Ramesh retarda l’échéance à la faveur d’une nouvelle série de virages, reprit même un peu d’avance au prix de risques insensés. Les phares ricochaient à présent sur un véritable mur de brume, se désagrégeaient de temps à autre sur les aiguilles d’un sapin ou sur les pointes effilées d’un surplomb rocheux. L’humidité glaciale empoissait leurs cheveux et leurs vêtements. Avec la visibilité réduite, l’état de la route, la proximité des ravins, les quatre-vingts kilomètres/heure affichés par le compteur leur donnaient la sensation de rouler à une vitesse démente. Elle ne suffisait pas, pourtant, à semer les Intouchables, qui profitaient de la moindre ligne droite pour reprendre le terrain perdu dans les passages accidentés.

Des projectiles miaulèrent sur le pare-chocs et le hayon arrière. Fred se recroquevilla sur son siège. Il ne savait plus s’il devait craindre la chute dans le vide, une balle dans la nuque, l’explosion du réservoir ou le débordement de sa vessie.

Le véhicule des Intouchables éperonna le Swaraj-Mazda en haut d’une côte. Le fort pourcentage réduisant la vitesse, la collision ne provoqua qu’une faible embardée rattrapée sans difficulté par Ramesh.

« Sors de la route et roule tous feux éteints ! cria Mark. C’est notre seule chance. »

La main d’Indrani vint se glisser dans celle de Mark, comme un oisillon brûlant et tremblant.

« T’en as de bonnes ! rétorqua Fred, recroquevillé sur son siège. On n’y voit pas à dix mètres. »

Soudain, les phares débusquèrent des formes lointaines et mouvantes dans la brume. Des yeux agrandis par l’effroi luirent comme des étoiles éphémères sur le fond de ténèbres. Un troupeau d’antilopes, des nilgai, des « bœufs bleus ». Elles restaient au milieu de la route, terrorisées par le hurlement du moteur, hypnotisées par ces lumières puissantes qui capturaient leur regard. Un coup de klaxon strident les tira de leur hébétude et donna le signal de la débandade. Les unes escaladèrent maladroitement le rocher qu’elles venaient tout juste de dévaler, les autres se jetèrent dans le vide, d’autres enfin se précipitèrent au-devant du 4x4. Ramesh esquiva les premières, en renversa une avec l’aile avant droite, en percuta une autre de plein fouet. Le choc la souleva du sol et la projeta sur le capot. Elle glissa peu à peu, disparut sous les roues, resta coincée par les cornes à la calandre, fut traînée sur une trentaine de mètres avant d’être décrochée par un cahot. Ramesh parvint à se frayer un passage au milieu du troupeau sans créer de dégâts supplémentaires. Comme averties par le sacrifice de leur congénère, les antilopes esquivaient avec une extraordinaire agilité le Swaraj-Mazda lancé à toute allure. En revanche, elles perçurent trop tard le grondement et la lumière du véhicule des Intouchables, qui en faucha une dizaine et dut s’immobiliser en attendant la dispersion des animaux paniqués.

« On les as eus, ces salauds ! » hurla Fred.

 

Tous feux éteints, le 4x4 progressait au ralenti dans le sentier de terre qui serpentait au milieu des résineux. La nuit était tellement noire qu’ils ne distinguaient pas les branches basses griffant les ailes et le capot. Bien que Ramesh eût commuté la manette de chauffage, un froid de plus en plus intense s’invitait par les vitres béantes. Fred ne regrettait pas d’avoir gardé son épaisse veste de laine. Il s’était bien gardé de la proposer à Indrani, pourtant grelottante.

Fred était volontiers partisan de la muflerie lorsqu’on menaçait son confort. Jamais il n’aurait cédé sa place dans les transports en commun, même à une femme enceinte. Question de principe. A ceux qui s’offusquaient de son comportement, il rétorquait qu’il était né emmerdeur, qu’il n’était pas sensible à la pression judéo-chrétienne, qu’il ne cherchait pas à se fondre dans le « socialement correct ». Son cynisme avait le mérite de la franchise, mais, et ce n’était pas le moindre de ses paradoxes, il n’était pas sincère. Ou plus exactement il ne correspondait pas à sa véritable nature. Il pestait contre le Téléthon, le Sidathon et toutes les « grands-messes médiatiques-en-thon » concélèbrent sur l’autel de la misère humaine, mais il lui était déjà arrivé d’ouvrir sa porte à un sans-abri croisé en bas de son immeuble. Il ne s’en vantait pas. C’était sa manière à lui de se garantir de l’hypocrisie ambiante et des déceptions.

Une ombre blême se détacha de la nuit, se porta au-devant du 4x4 et fit signe à Ramesh de s’arrêter. Le visage d’un homme se découpa dans le carré de la vitre avant droite. La trentaine, peut-être moins, une usure prématurée, un foisonnement de rides sous une chevelure épaisse et luisante, une fine moustache, des yeux pénétrants, un tee-shirt blanc et troué. Fred baissa la vitre. L’homme l’examina avec méfiance avant de libérer un flot de paroles aux intonations gutturales.

« Il dit qu’il s’appelle Amri. » La voix d’Indrani tremblait légèrement. « Sa tribu campe à moins de deux cents pas d’ici. Quand ils ont entendu le bruit du moteur, ils ont eu peur que ce ne soit une descente de l’armée ou de la police.

— Pourquoi ? s’étonna Fred. Ils ont quelque chose à se reprocher ?

— Leur condition d’errants. Le gouvernement de Delhi a décidé de recenser et de sédentariser les tribus. L’armée organise parfois des rafles massives. Les membres des tribus sont séparés et déportés dans les banlieues des villes. »

Amri ajouta quelques mots avec une véhémence qui entraîna chez Fred un mouvement instinctif de recul.

« Il nous invite à passer la nuit dans le campement, traduisit Indrani.

— Ce n’est pas... euh, risqué ?

— L’hospitalité est pour eux un devoir sacré. Et les vrais risques, nous les prendrions sur la route.

— Il faudrait peut-être prévenir Venkatesh », suggéra Mark.

Indrani marqua un temps de silence.

« Venkatesh est mon supérieur hiérarchique. Je ne peux pas l’appeler. C’est à lui, et à lui seul, que revient le choix de décider des contacts. »

 

Des lampes à huile et des lanternes suspendues dispensaient un éclairage diffus entre les maisons de toile. La tribu s’était établie le long d’un torrent gonflé par les pluies et dont le fracas résonnait avec la force d’un orage permanent. Une ribambelle d’enfants curieux les submergea lorsqu’ils descendirent du 4x4. C’était à qui les saisirait par la main, leur sauterait sur le dos, leur agripperait les jambes, les tirerait à hue et à dia. Sans doute à cause de ses cheveux roux, de son teint pâle et de la bosse qui lui donnait des faux airs de monstre, Fred était l’objet de toutes les sollicitations.

Si la plupart des hommes étaient vêtus, comme Amri, de lenga, de tee-shirts ou de tuniques, les femmes portaient des tenues somptueuses, des robes et des voiles brodés de passementeries d’argent ou de fils d’or. Les lourds bijoux qui leur encerclaient le cou, les poignets et les chevilles tintaient à chacun de leurs mouvements. Avec le troupeau de chèvres, la vingtaine de buffles, les deux éléphants et les quelques charrettes bâchées, c’était la seule richesse apparente de la tribu.

Au grand soulagement de Fred, Amri dispersa les enfants et introduisit ses hôtes dans la tente d’un vieil homme qui avait la prestance d’un chef. Une longue barbe blanche encadrait son visage martelé par le soleil, la pluie et le vent. Son torse nu évoquait un tronc desséché et ses bras, des branches noueuses agitées par la brise. Assis en tailleur sur une natte, il fumait une longue pipe qui contenait, à en juger par l’odeur, bien autre chose que du tabac. Mark essaya de soutenir son regard, étonnamment perçant. Il eut aussitôt la sensation d’être mis à nu. De temps à autre, une femme se glissait dans la tente pour raviver le feu défaillant d’un foyer central dont la fumée s’évadait par l’étroite ouverture pratiquée au centre du toit. La lueur des flammes étirait les ombres sur les cloisons frissonnantes.

Le vieil homme se lança dans un long monologue, s’interrompant régulièrement pour laisser à Indrani le temps de traduire. Il précisa d’abord que les tribus étaient protégées par un statut particulier, défini par une convention de l’ONU. Mais elles occupaient un certain nombre de territoires convoités par les grands groupes industriels, et comme le gouvernement ne pouvait pas modifier leur statut, il faisait disparaître les tribus.

Lui et les siens se réfugiaient dans les Ghats pendant les grosses chaleurs de l’été et regagnaient les forêts après la mousson. Même s’ils achetaient leurs réserves de riz, d’épices et de dhal aux paysans du plateau, ils vivaient principalement de chasse, de pêche et de cueillette. Ils avaient abandonné les armes traditionnelles de leurs ancêtres pour s’équiper de vieux fusils Lee-Enfield bradés quarante ans plus tôt par l’armée anglaise  – il n’y a pas de petit profit. Ils s’installaient dans des endroits difficiles d’accès et disposaient des guetteurs jour et nuit autour des campements, se tenant prêts à fuir à tout moment. Cela faisait plus de vingt ans qu’ils jouaient à cache-cache avec les forces de l’ordre indienne.

Le vieil homme évoqua ensuite l’histoire et les mythologies de sa tribu, laquelle, selon lui, avait existé et prospéré bien avant les invasions aryennes. Il affirma que le gouvernement de Delhi  – il cracha par terre  – ne l’empêcherait pas de conserver et de transmettre la mémoire de son peuple. Car, ajouta-t-il, si la mémoire des tribus se perd, c’est toute l’humanité qui se perd.

« C’est l’évolution, grommela Fred. Combien de peuples ont déjà disparu, combien de mémoires se sont effacées ? On ne peut pas revenir sans cesse sur le passé. »

Le vieil homme écouta attentivement la traduction d’Indrani et tira deux bouffées de sa pipe. Un large sourire dévoila sa dentition d’une blancheur insolite. Il tendit en direction de Fred une main aux doigts écartés.

« Les êtres humains sont comme les doigts de la main, traduisit Indrani. Coupez un doigt, la main continue à cueillir les fruits. Coupez-en deux, puis trois, puis quatre, elle perd son habileté. Coupez le dernier, elle ne sert plus à rien. »

La métaphore frappa Mark par sa justesse. Ces mots simples définissaient mieux qu’un long discours le sens de son engagement au sein du World Ethics and Research. La science, trop souvent, refusait d’écouter les voix des anciens, se laissait corrompre par les marchés et se prêtait aux destructions massives d’espèces animales et végétales. Et Mark ne supportait pas qu’elle participe au nouveau saccage du monde.

L’image de Duane lui effleura l’esprit. Il lui fallait d’urgence joindre Salinger, savoir quel était le rôle exact de l’Américain dans l’organisation du W.E.R.

Le vieil homme conversa encore pendant quelques minutes en ourdou avec Indrani. Un adolescent apporta cinq tasses d’argile fumantes sur un plateau d’argent. C’était du thé, un thé noir au goût âpre où se mêlaient les saveurs végétales et minérales. « C’est quoi, ce truc ? grimaça Fred.

— Une boisson revitalisante, répondit Indrani. Une recette ancestrale.

— Ça a l’air vraiment dégueulasse. On ne risque pas de lui piquer le brevet !

— Il m’expliquait justement que la tribu a reçu la visite d’Occidentaux qui cherchaient à le faire parler. Mais il n’a vu en eux que des rakckasas, et il ne leur a rien dit. Il m’a également demandé ce que vous étiez venus faire en Inde.

— Que lui avez-vous répondu ?

— Que vous luttiez à votre manière pour que la main humaine conserve chacun de ses doigts. »

Mark la dévisagea avec étonnement. Elle se contenta de sourire, de baisser la tête et de tremper ses lèvres dans sa tasse. Sa blessure à la tempe avait cessé de saigner. La petite dissymétrie qu’elle provoquait dans l’ovale parfait de son visage soulignait sa beauté.

 

Tandis que Fred et Ramesh ronflaient consciencieusement à ses côtés, Mark ne parvenait pas à retrouver le sommeil. Amri leur avait attribué une tente vide dans laquelle avaient été disposées des nattes superposées, des couvertures et une lampe à huile suspendue. Bercé par le chant grave du torrent et les froissements des cloisons de toile, Mark s’était d’abord assoupi en dépit de la dureté des nattes, puis il s’était réveillé, couvert de sueur de la tête aux pieds. La lampe s’était éteinte. Le vacarme du torrent, les bourdonnements des insectes, les sifflements du vent, les béguètements des chèvres, les soupirs des dormeurs, le battement de son propre cœur, tous ces bruits prenaient une résonance inhabituelle, presque inquiétante, dans l’obscurité de la tente. De même, ses mains posées à plat sur la couverture ressentaient avec une étonnante acuité la consistance de la laine. Il lui semblait toucher le cœur même des fibres, leur structure atomique, leur qualité vibratoire.

Le thé servi dans la tente du vieil homme n’était probablement pas étranger à l’extraordinaire affinement de ses perceptions. Mais en ce cas, Fred et Ramesh auraient dû éprouver les mêmes symptômes, la même tension intérieure. Or ces deux-là avaient sombré dans un sommeil de plomb. Il repoussa la couverture, dégrafa les boutons de sa chemise. Le contraste entre la froidure ambiante et sa propre chaleur lui donna l’impression d’être l’enjeu d’un combat obscur et fondamental entre les éléments. Saturé d’énergie, incapable de rester en place, il se leva, sortit de la tente et marcha dans un état second le long du torrent. Les chèvres s’agitèrent et bêlèrent à son approche. Ses pieds nus foulaient un tapis végétal d’une fraîcheur exquise. Il comprit rapidement qu’il n’errait pas au hasard dans la nuit brumeuse, mais que quelque chose, un murmure, une voix intérieure, un appel, le guidait dans une direction précise.

Arrivé devant une cascade, il escalada les rochers en s’aidant des troncs et des branches d’arbustes. Il déboucha sur un large promontoire. L’endroit lui était familier, il en connaissait chaque pierre, chaque plante, chaque recoin. Il aurait probablement éprouvé la même impression d’intimité dans n’importe quel autre endroit du monde. Il emprunta un escalier sommaire creusé dans le flanc abrupt d’un mamelon rocheux. En haut, il discerna les formes sombres et irrégulières d’un temple, des façades et des bas-reliefs noyés de brume. Il se dirigea sans hésiter vers une porte que bouchait partiellement un fronton affaissé. Le hurlement d’un singe déchira la paix nocturne. Une lueur incertaine caressait un groupe de statues : une femme assise à califourchon sur un homme, empalée sur son phallus aux dimensions imposantes. Une extase pétrifiée. Il contourna un muret éboulé et pénétra dans une petite cour aux pavés descellés et dévorés par la mousse. Il découvrit un cercle dont des bougies allumées délimitaient la circonférence. Au centre, une femme vêtue de ses seuls cheveux dénoués lui tournait le dos. Son corps avait la rondeur lisse et sensuelle des statues environnantes.

Il crut d’abord qu’une sculpture s’était détachée d’un bas-relief. Mais la femme, lentement, commença à pivoter sur elle-même.